lundi 4 avril 2011

50 ANS DU CARNAVAL DU SUD


C’est ainsi que s’intitule le premier numéro de notre revue du CEPJA (Centre d’Education Permanente de Jaihuayco où je travaille) que nous avons rédigé et édité afin de soutenir et promouvoir la célébration de cette fête traditionnelle qui fête ses 50 ans cette année. Même si tout au long de ces années, les autorités municipales ont considéré le Carnaval du Sud comme une activité marginale, on ne peut pas nier que c’est une « manifestation culturelle qui a réussi à agglutiner le dynamisme propre de la culture des peuples » selon les dires du responsable de la radio CEPJA, Rafael Alviz. En effet, ce carnaval réunit à des cliques, à des troupes de gens déguisés de la même manière, à des fraternités (groupe de danseurs/danseurs organisés et vêtus de costumes traditionnels), et des chanteurs/chanteuses de versets du Carnaval où existe la satire, la ridiculisation et une bonne dose de critique de la politique locale et internationale.
Présentation de la Revue lors de la fête du Carnaval retransmise en direct par radio CEPJA.

En effet, le dimanche passé (le 27 mars) j’ai pu voir de mes propres yeux la diversité culturelle de cette manifestation populaire: groupes de danseurs masculins déguisés en femmes, notamment en Shakira (chanteuse colombienne fort appréciée ici), musiciens et danseuses de « moseñada » ou « zampoñada » (rythmes typiques du Carnaval de l’Altiplano), chanteurs/chanteuses de versets typiques du Carnaval de la région du département de Cochabamba ont côtoyé des satires de personnalités politiques comme Kadhafi, Chavez ou des « Narcos » (trafiquants de cocaïne). Le local et le global se rencontrent donc dans la joie pour célébrer cette fête du Carnaval du Sud qui se caractérise pour être un lieu où l’on s’amuse en se mouillant au travers du lancement de ballons remplis d’eau et où les hommes aiment particulièrement se déguiser en femmes d’une manière plutôt « sexy » dirons-nous !.

Shakira

Lors des interviews réalisées aux directrices des écoles avec lesquelles nous travaillons, ce genre de pratiques a été critiqué comme étant le reflet de la culture machiste en plus d’être vulgaire vu l’accoutrement des hommes peu vêtus. « C’est un manque de respect vis-à-vis des femmes en général et aussi un manque de créativité » souligne Marina Rodriguez, la directrice du Jardin d’Enfants San Joaquin.

Afin de sensibiliser la population à ce genre de coutume peu respectueuses des femmes et aussi de l’environnement (gaspillage d’eau), il est intéressant de souligner que cette année une ordonnance municipale a été promulguée, grâce au lobby de notre conseillère municipale Maria Isabel Caero, afin d’interdire l’usage des ballons remplis d’eau et celui des déguisements d’hommes en femmes enceintes pour des raison de politique de genre favorisant le respect envers les femmes et contre l’usage de la violence. Il faut savoir que ce sont nous les femmes qui sont généralement la cible du lancement des ballons d’eau (parfois même congelés !) lors des fêtes du Carnaval et je peux témoigner que c’est vraiment douloureux en plus d’être humiliant de se retrouver toute mouillée en plein milieu de la rue et de la journée! Cette année donc, grâce à une certaine application de cette ordonnance, l’ambiance des fêtes du Carnaval a été plus tranquille et moins stressante, ouf, je n’ai plus eu autant peur de sortir de la maison !

Moseñada

Mis à part ces coutumes, on ne peut pas parler du Carnaval à Cochabamba sans mentionner la tradition des couplets du Carnaval qui sont créés et chantés par les gens eux-mêmes sur des thématiques diverses et accompagnés généralement d’instruments typiques dont l’accordéon. Lors de la commémoration de la journée internationale des femmes le 8 mars, un collectif de femmes (la Plateforme des Femmes) a organisé une action fort créative d’incidence politique, chanter des couplets de revendication de leurs droits pour un budget municipal assigné aux femmes. C’est une chanteuse fort populaire de la ville, Betty Veizaga, qui les a accompagnées devant les portes de la municipalité de Cochabamba. Voici donc quelques extraits de couplets traduits de ma part sans les rimes en espagnol:

Depuis le premier jour

Durant le mois de janvier

Nous demandons justice

Equité de genre

Aux municipalités

Qu’ elles nous donnent de l’argent

Sinon nous les pendons

Avec une cravate

De maires bien gros

Ai, nous n’en voulons pas

Oui, nous demandons de l’argent

Et ils font la sourde oreille

Ici les femmes

Nous voulons des financements

Afin de travailler

Dans des micro projets

Refrain :

Toutes les femmes

Avec les municipalités

Travaillons ensemble

Ah quelle merveille !

De nuit et de jour

Comme en famille.