dimanche 31 janvier 2010

Cérémonie rituelle du renouvellement du mandat d’Evo Morales à Tiwanaku


Le 21 janvier passé, Evo Morales, a été possessionné comme leader spirituel de la Bolivie lors d’une cérémonie andine qui s’est déroulée sur le site archéologique de Tiwanaku (La Paz) où environ 50'000 personnes de Bolivie et du monde entier s’étaient rassemblées, dont de nombreux(ses) représentant(e)s des peuples indigènes du Pérou, d’Equateur, Canada, Chili, Argentine et Etats-Unis. Il y a en effet un grand espoir de changement pour les peuples indigènes des Amériques (Nord, Centrale, Latine) qui est alimenté par la Bolivie et surtout par le représentant indigène Evo Morales.

Personnellement je n’ai pas pu aller assister à la cérémonie mais 3 de mes collègues ont été et ils ont partagé certaines impressions avec moi en quelques mots et images. Selon eux, l’énergie positive du lieu même s’est ressentie et a irradié durant tout le rituel.

Au niveau de la symbolique du rituel même, ce qui me paru très émouvant fût le fait que le président durant toute la cérémonie marchait au rythme d’une personne âgée indigène aymara de 100 ans, qui représentait tout le savoir et la sagesse héritées de ses ancêtres. Selon José Mendoza, mon collègue Kallawaya, cette femme représente la transmission du savoir de génération à génération de manière orale. Il était aussi accompagné de 8 sages indigènes aymaras (4 hommes et 4 femmes) qui lui ont montré le chemin de la sagesse au cours des rituels d’offrande à la Mère Terre aux 4 points cardinaux. Au niveau de ses vêtements, Evo était aussi vêtu d’un bonnet fort symbolique nommé « chu’ku » à 4 pointes. En langue aymara, cela signifie que celui qui le porte a le devoir d’unir, d’assembler, de coudre la pluralité, représentée par les 4 pointes. On dit que toute cette cérémonie avait été lue auparavant dans des feuilles de coca par un savant indigène (yatiri).

Ce qui me parut aussi significatif, en suivant toute la cérémonie à la TV, fût le fait que pour une première fois, Evo Morales ait fait son discours dans les 3 langues indigènes majoritaires, le quechua, l’aymara et le guarani en plus de l’espagnol. C’est donc un signe important de passage de l’Etat colonial à l’Etat pluriculturel et plurilingue. Le contenu de son discours allait aussi dans ce sens-là puisqu’il décréta qu’en ce jour-là l’Etat colonial disparaissait pour laisser place à l’Etat Plurinational. « Nous avons attendu 180 ans pour refonder la Bolivie et garantir un Etat Plurinational où tous les peuples indigènes ont les mêmes droits. Nous autres, peuples indigènes du monde entier devons toujours être debout et jamais agenouillés devant le capitalisme ». Il a aussi réitéré son message de défense de la Mère Terre (la pachamama) et d’une politique centrée sur le vivre bien, et non le vivre mieux, en faisant appel aux mouvement sociaux afin d’assumer cette responsabilité, sinon cela reviendrait à être des complices du capitalisme, dit-il.

Toutefois, on pourrait faire une critique quant à cette cérémonie sur le fait que la spiritualité et la cosmovision des peuples indigènes des terres basses, qui représentent plus de 30 cultures ou ethnies, n’aient pas été prises en compte. Ce fût nettement un rituel des peuples des Andes, ce qui ne reflète donc malheureusement pas toute la diversité de l’Etat bolivien décrété plurinational.

Le caractère symbolique de la possession du président continua le lendemain lors de la cérémonie officielle dans le palais du gouvernement, tout particulièrement quand Evo Morales arbora sa nouvelle écharpe présidentielle avec les couleurs de la wiphala (couleurs du drapeau des peuples indigènes) en plus de celles du drapeau bolivien. Dans la chambre des députés on a aussi rajouté les tableaux des leaders indigènes Tupac Katari et Bartolina Sisa. Autre fait aussi très symbolique est celui d’avoir enlever la bible et la croix comme objets protocolaires lors de l’acte de jurement du mandat présidentiel. Le président a donc émis à la population bolivienne plusieurs messages symboliques de décolonisation fort percutants, pour ce nouveau mandat de 5 ans il lui reste à relever le défi de mettre en pratique cette vision de décolonisation et du vivre bien dans le cadre de l’implémentation de politiques de gestion à tous les niveaux, national, départemental et local. Ce sera sûrement un long processus comme les mentalités ne se changent pas aussi facilement que les symboles!

Equité de genre au sein du cabinet présidentiel de l’Etat plurinational

En tant que femme, je crie VICTOIRE ici en Bolivie car c’est une première dans son histoire et au niveau international aussi je pense: le nouveau conseil des ministres élu par Evo Morales inclut à 10 femmes et 10 hommes ministres. Ceci représente la parité ou bien ce que l’on dénomme ici la complémentarité, le chacha-warmi ou qhari-warmi (homme-femme en aymara ou quechua). Il existe aussi une diversité au niveau socio-culturel puisque 6 des 10 femmes sont du milieu académique et professionnel, 3 des mouvements sociaux et une du milieu artistique. Voilà donc une mesure d’un gouvernement du sud digne d’exemple pour nos gouvernements du nord, notamment pour nos autorités suisses, n’est-ce pas?