samedi 14 mars 2009

LA FACE CACHEE DU MERVEILLEUX CARNAVAL D’ORURO

La Diablada
 
« Oruro, un fastueux mais sanglant carnaval » titule un article au lendemain du Carnaval d’Oruro qui a été déclaré œuvre du patrimoine oral et intangible de l’humanité de l’UNESCO. Au comble de l’ironie, chaque année le patrimoine naturel de la vie sauvage est mise en danger avec l’utilisation d’animaux ou de parties d’animaux pour les costumes de diverses danses. Le cas le plus important est l’utilisation excessive du « quirquincho » (Chateophractus nationi) comme instrument, la « matraca » pour la danse Morenada.
 
Pour vous imaginer l’ampleur du massacre, sachez que dans une fraternité comme la célèbre « Cocanis » il y a plus de 1000 danseurs et danseuses ! En 2001, un rapport du Ministère du Développement Durable soutenait que seulement 5'000 « quirquinchos » survivaient encore en Bolivie.  A ce rythme-là l’animal symbole d’Oruro n’a plus beaucoup d’années à venir. De plus, au niveau international il faut savoir que cet animal est classé comme animal vulnérable et donc en danger d’extinction par le CITES (The Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora).
 

Morenada

Il est certain que le Carnaval d’Oruro est d’une beauté et magnitude impressionnante: 15'000 danseurs et danseuses ont défilé cette année durant 2 jours en exhibant plus d’une vingtaine de différents types de danses. Tous ne portent pas sur eux des peaux ou plumes de vrais animaux mais cette année par exemple on a recensé 800 danseurs/danseuses de Morenadas qui portaient des « quirquinchos ».   Parmi toutes les danses, il y en a 5 qui sont spécialement fatidiques pour les animaux : la « Morenada » à cause des « quirquichos », la « Diablada » pour s’ornementer avec des condors entiers, les « Suri Sicuri » qui utilisent des plumes et des têtes d’autruches pour leurs couronnes, les “Tobas” qui se décorent avec des plumes de flamands roses et les “Tinkus” pour utiliser ces mêmes plumes pour décorer leurs chapeaux.

Suri Sicuris

Chaque année le même drame se répète et voilà 17 ans que l’on viole la Loi de  l’Environnement. La chaîne criminelle commence par les danseurs/danseuses qui dessinent leurs costumes et se chargent de les faire confectionner aux brodeurs  jusqu’aux chasseurs et gardes parques de sites protégés et dirigeants des associations de groupes folkloriques et autorités locales pour n’avoir pas appliqué la loi et avoir donné des prix aux fraternités qui « assassinent » les animaux. Le processus de sensibilisation et de sanction est long surtout quand les membres mêmes de l’Association des groupes folkloriques d’Oruro se refusent de négocier un accord avec le Vice Ministère de l’Environnement afin de ne pas utiliser des animaux sauvages. Mais il y a quelques lueurs d’espoir comme la visualisation de la thématique aux niveaux des médias (spots publicitaires, affiches, flyers…) et le fait que le 4 mars dernier les autorités du Vice Ministère de l’Environnement, Biodiversité et Changements Climatiques aient présenté une plainte à l’encontre de la ville d’Oruro pour utilisation illicite d’animaux sauvages dans certaines fraternités du Carnaval. Espérons donc que cette fois-ci justice sera faite pour les animaux sauvages et que l’on pourra dignement parler du Carnaval d’Oruro comme patrimoine intangible de l’humanité. 

Jeremy et Sandrine, un couple de volontaires E-changer dansant le Tinku