samedi 19 septembre 2009

CYCLE DE FORMATION EN PRODUCTION COMMUNAUTAIRE ÉCOLOGIQUE : 4Ème MODULE SUR LE THÈME DE LA GESTION COMMUNAUTAIRE DU TERRITOIRE



Dans le cadre du cycle de formation en production communautaire écologique, à Cochabamba, nous avons organisé la semaine passée le 4ème module sur le thème de la gestion du territoire communautaire en coordination avec la Fédération syndicale des paysan(n)es indigènes de Cochabamba. Vous vous demander sûrement ce que c’est que la gestion communautaire du territoire, en fait, selon la conception des leaders participant(e)s quechuas, cela signifie gérer et administrer leurs communautés ou territoires futurs autonomes (selon l’actuelle constitution politique de l’Etat) en accord avec leurs principes de protection à la mère terre (pachamama) et leur système d’organisation (autorités indigènes ou syndicales).

Concrètement, durant cet atelier nous avons axé nos activités autour de témoignages d’expériences concrètes de paysan(n)es indigènes qui font de la production écologique de pommes de terres natives comme Felicidad Escobar qui avec son mari a conformé une association de producteurs/trices qui lui permet actuellement de commercialiser ses pommes de terre natives en ville et même dans les supermarchés. En fait, cette femme paysanne je l’ai rencontrée à l’ »Ecoferia » (marché écologique) en lui achetant ses petites pommes de terre délicieuses. Durant l’atelier ce fût donc un échange très riche en apprentissages qui a permis de montrer non seulement les avantages économiques mais aussi écologiques de produire des pommes de terre natives. La fabrication d’engrais naturels à base de produits comme la bouse de vache, de brebis ou de lama, de lait et de plantes locales a aussi été un thème fort utile pour les leaders participant(e)s.

Saviez-vous que les pierres parlent ?

« Si le jour de la St Jean (24 juin) au matin, on observe sous les pierres qu’elles sont givrées, cela signifie qu’il va y avoir des giboulées, de la grêle et de la neige. Si c’est seulement mouillé dessous la pierre, cela signifie que cela va être une année normale avec des pluies normales. Par contre si c’est sec dessous la pierre, cela signifie que cela va être une année avec de la sécheresse... » (Rosendo Flores, Ayllu Majasaya, Japo).

C’est ces savoirs qui sont transmis de génération en génération qui nous permettent de prévenir les risques agricoles et savoir lire ces signes que nous donnent la nature signifie pouvoir les interpréter comme des indicateurs climatologiques, selon les mots de Francisco Chapata, indigène quechua, qui nous a témoigné son travail de récupération de ces savoirs au travers des personnes âgées des communautés.

Mis à part ces témoignages nous avons aussi présenté une méthodologie que nous avons élaboré avec mes collègues José Mendoza et Carla Bazoalto afin d’élaborer des propositions de gestion territoriale communautaire de façon intégrale en partant de l’identité culturelle des communautés. Les participant(e)s vont l’utiliser dans le cadre de leur travail à distance, dans leurs communautés. Un résultat important de cet atelier est d’avoir pu conformer un groupe fixe d’une trentaine de leaders indigènes paysan(ne)s (hommes et femmes) qui se sont compromis de participer jusqu’au bout du processus, c’est-á-dire jusqu’à l’année prochaine.

Roberta Cecilia

ATELIER DE SENSIBILISATION A LA PRODUCTION DE POMMES DE TERRES NATIVES ECOLOGIQUES A VENTILLA


Durant le mois d’août avec ma collègue kallawaya Eulogia Capajeique nous avons accompagné à une dirigeante de la Fédération des Femmes Indigènes Paysannes Bartolinas Sisas à un atelier dans la communauté de Ventilla, qui fait partie de la province d’Arque, et qui est située sur les haut-plateaux, en direction d’Oruro. Notre rôle était de traiter du thème de la souveraineté alimentaire, et nous l’avons fait à partir d’un exemple concret, celui de la production de pommes de terres natives écologiques. A l’aide d’un moteur qui nous a permis de générer de l’électricité, il faut savoir que là-bas l’électricité n’est pas encore arrivée, nous avons pu projeter un documentaire en quechua sur la thématique. Pour les participant(e)s c’était comme être au cinéma et ce fût une bonne manière de capter leur attention, et ainsi par ce moyen-là leur montrer les problèmes de dépendance (endettement) et perte de souveraineté alimentaire par rapport à la production de pommes de terres avec des semences améliorées. A partir de ce documentaire nous avons engendré un travail groupal de réflexion sur l’importance de renforcer et/ou récupérer les semences natives de pommes de terres, en plus de motiver à la participation et à l’organisation des femmes dans cette région-là.

Ce fût intéressant de soulever la question du degré de participation des femmes au sein de leur organisation syndicale (comme c’était une réunion de l’organisation des femmes en fait) et de constater que les hommes présents (la majorité en réalité) admettaient bien que les femmes travaillent plus qu’eux et qu’il fallait valoriser leur travail au quotidien. Mais ils justifiaient la participation faible des femmes au sein de l’organisation par le manque de temps vu la quantité de leurs tâches ! Nous avons ainsi pu constater que la mentalité machiste persiste et qu’elle ne permet pas facilement d’accepter que les responsabilités peuvent être mieux partagées, entre mari et femme, hélas ! Mais bon, c’est déjà un début de prendre conscience du rôle important que jouent les femmes au sein de leur famille et de leur communauté, n’est-ce pas ?

vendredi 28 août 2009

QU’AI-JE FAIT DURANT MON SÉJOUR EN SUISSE ?

UN BREF RETOUR SUR MES ACTIVITES AVEC E-CHANGER DURANT MON SEJOUR EN SUISSE

J’aimerais partager avec vous quelques moments forts des évènements liés à E-changer auxquels j’ai pu participer avec mon copain Edwin.

  • Tout d’abord la journée des groupes de soutien qui eut lieu à Lausanne en mai durant laquelle étaient présents futurs volontaires,  une volontaire sur le terrain (ma personne), responsables et membres de 6 différents groupes de soutien en plus du personnel d’E-changer dont notamment Beat Tuto Wehrle, secrétaire général, Josée Martin nouvelle responsable des Partenariats Nord (communication et recherche de fonds) en plus des coordinatrices/teurs E-changer régionaux. 

Stand d'information INTI
  • Durant toute la journée les différentes activités étaient basées sur l’échange d’expériences sur les groupes de soutiens, leur fonctionnement, leurs moyens de communication, de sensibilisation, d’appui financier etc… Pour moi et pour les membres présents d’INTI, Isabelle Frutiger comme responsable, Marie-Rose Schiagno et Edwin Valdez, ces échanges et témoignages nous ont donné quelques pistes et idées pour redynamiser INTI.  Donc, voici ce que nous vous proposons afin de relancer INTI et faire plus de sensibilisation Sud-Nord, Nord-Sud :

-    - -  Un jeu de cartes de fin d’année avec un message « INTI »

-          -  Un stylo jaune « INTI »

- - -    Une dizaine de fiches plastifiées de recettes INTI avec une photo au dos   Cette bonne idée d’échange interculturel au travers du palais est celle de Marie-Rose il faut souligner .Bravo !

-          D’autres idées sont possibles selon vos initiatives et expériences …

      Soyez donc prêt(e)s à collaborer pour l’achat tout d’abord et la vente éventuelle de ces articles autour de vous durant cet automne-hiver. 

  • Autre évènement auquel nous avons participé fût l’Assemblée Générale d’E-CHANGER, celle de ses 50 ans. Nous nous sommes retrouvés plus de 70 participants, représentants de trois générations de volontaires, les Missionnaires Laïques des débuts, les Frères sans Frontières ensuite, et les membres actuels d’E-CHANGER. Ce fût une rencontre émouvante et historique du mouvement je pense car on a pu voir les différentes expériences du travail au Sud des volontaires au fil du temps du mouvement d’E-CHANGER. Il a aussi été question du rapport financier de 2008 et des stratégies futures d’E-changer quant à une recherche active de fonds et visualisation de ses activités avec le recrutement de Josée Martin, responsable des Partenariats Nord et des coordinateurs/trices cantonales. Pour plus de détails je vous invite à lire le rapport annuel 2008
Présentation du vécu bolivien

  •  Nous avons aussi pu participer à la clôture de l’Expo du 50ème à Fully, en Valais où il y eu une conférence et discussion « spécial Bolivie » avec la présence d’une partenaire bolivienne de l’organisation tessinoise Inter-Agire, Nora Fernandez, et d’un public composé en grande majorité d’ex-volontaires et co-fondateurs d’E-changer. Ce fût aussi un moment émouvant de rencontre entre ex-volontaires en Bolivie de retour en Suisse et nous autres en visite. 


  • Personnellement, en tant que volontaire sur le terrain, j’ai aussi fait un témoignage lors d’un des modules de formation à Fribourg pour les futurs volontaires et autres intéressé(e)s au thème de la cooper-action. J’ai pu partager mon expérience sur la thématique plus spécifique du travail de sensibilisation-communication, sud –nord et nord-sud que nous faisons comme volontaire. L’échange a été fort riche en apports tant pour les futurs volontaires et autres participant(e)s que pour moi-même confrontée à ce travail sur la longue durée.

  •  Et puis notre rencontre-fête INTI qui a été un moment intense de riches échanges autour de mon travail au sein du Centre KAWSAY et de la conjoncture actuelle bolivienne, le tout accompagné de musique et danses boliviennes et aussi d’un repas interculturel. Dans le prochain journal INTI je vous ferai plus largement part des impressions de la journée de la part des membres INTI présent(e)s.

  •       En plus de la soirée INTI, avec l’aide de mon ami Gato Montano (l’animateur bolivien de la Maison de Quartier des Acacias) nous avons aussi co-organisé une soirée –débat avec l’association bolivienne « Bolivia 9. Solidaridad con los migrantes bolivianos »  autour de la projection du documentaire sur Bartolina Sisa, une héroïne indigène aymara qui a lutté avec Tupaj Katari contre l’invasion des colons espagnols. Il faut savoir qu’il y a une large communauté bolivienne à Genève (plus de 4000 dit-on), et donc c’est important de pouvoir partager avec eux/elles la situation actuelle de leur pays en apportant un regard « suisse » sur le processus de changement actuellement en cours en Bolivie. 

  • Et puis finalement, la dernière action, afin de dire bonjour et au revoir à tous ceux et toutes celles du groupe de soutien, nous avons aussi organisé un pic-nique INTI au signal de Bernex, occasion de partager de bonnes choses et d’échanger autour de mon travail de manière plus informelle. De plus, nous avons eu la visite de notre amie "valaisanne", ex-volontaire, Véronique Blech qui est maintenant aussi coordinatrice E-CHANGER du Valais.

  • Au niveau de mon travail de communication et diffusion à un public plus large, j’ai eu l’occasion de faire une interview avec Radio Fribourg (à télécharger sur un site prochainement j’espère !). J’ai aussi pu avoir une interview avec Benito Perez du Courrier de Genève qui a par la suite publié un article sur le thème de la décolonisation de l’université en Bolivie (paru le 13 juin 09).  A la suite d’une interview avec Virginie Estier dos Santos de la COTMEC (Commission Tiers-Monde de l’Eglise Catholique) un article va aussi être publié en septembre dans leur journal. De plus j’ai pris contact avec le journal Coopération (journal Coop) mais il n’a pas porté de fruits pour le moment. 

! Petite annonce importante : l’expo du 50ème  d’E-CHANGER aura lieu en novembre lors du festival FILMAR à Genève (14 -15 novembre). Réservez ces dates pour y faire un tour et y donner un coup de main éventuellement  (présence au stand et à l’expo, vente d’articles d’INTI par exemple ! et autres,…)  

L'arbre à volontaires E-CHANGER

lundi 13 avril 2009

LES FEMMES PAYSANNES QUECHUA DE TOTORANI ET LA RÉCUPÉRATION DES POMMES DE TERRE NATIVES

En Bolivie, l’année passée, année internationale de la pomme de terre, ont été recensées 650 espèces de pommes de terre natives. Toutefois, si l’on compte les espèces natives qui sont encore cultivées aujourd’hui, ce ne sont qu’environ 80 pommes de terre natives. Dans la région de Totorani (hauts plateaux de la province d’Ayopaya, département de Cochabamba) où Kawsay est actuellement en train de gérer un projet de Récupération des espèces natives de pommes de terres, on ne trouve plus que 50 différentes espèces. C’est dans le cadre de ce projet-là que je suis actuellement en train de travailler avec ma collègue Hilda Vargas, elle-même aussi d’origine quechua de la province d’Ayopaya, afin de réaliser un feuillet revalorisant le rôle des femmes dans le processus de la production des semences natives de pommes de terre. Voilà pourquoi je l’ai accompagnée dernièrement lors de l’un de ses séjours dans les communautés de la région de Totorani où nous avons animé plusieurs ateliers avec les femmes paysannes quechua afin de collecter des informations utiles pour la réalisation de notre feuillet. Afin de rendre l’échange d’expériences plus didactique et plus explicite, nous avons utilisé le dessin comme outil de travail et aussi de valorisation des femmes, comme leurs dessins seront utilisés pour illustrer le feuillet à publier

Pour moi c’était tout d’abord important de rencontrer ces femmes et partager avec elles leurs expériences autour de la production des pommes de terres natives. Je me suis rendue compte qu’il est tout d’abord fondamental de les sensibiliser sur les conséquences néfastes de l’utilisation de produits chimiques en considérant tout le cycle vital, et en plus sur la perte de leur biodiversité et patrimoine génétique en ne produisant plus que des semences de pommes de terre améliorées. Il faut savoir que dans cette région-là seulement 30% de leur production de pommes de terre est naturelle (bio) et que cette production est seulement pour leur propre consommation, et non pas pour la vente. Durant nos discussions il est clairement ressorti que la production naturelle des pommes de terre natives n’était pas rentable pour elles et que s’il y avait un marché pour leurs pommes de terres natives, elles en produiraient plus, cela est certain. Actuellement, dans la ville de Cochabamba, dans certains supermarchés et marchés on trouve en effet des pommes de terres natives bio en vente à un prix un peu plus haut et avec un label de qualité. Il nous faudrait donc comme Kawsay travailler le thème de la commercialisation des pommes de terre natives en partant de la gestion communautaire de leur production. Nous voilà donc devant un nouveau défi à relever : comment générer une entreprise communautaire de pommes de terre natives para exemple? J’espère que cette étape de travail sera possible durant une future phase du projet afin de pouvoir véritablement mettre en pratique la production biologique de la diversité pommes de terre natives à plus grande échelle.   

 

samedi 14 mars 2009

LA FACE CACHEE DU MERVEILLEUX CARNAVAL D’ORURO

La Diablada
 
« Oruro, un fastueux mais sanglant carnaval » titule un article au lendemain du Carnaval d’Oruro qui a été déclaré œuvre du patrimoine oral et intangible de l’humanité de l’UNESCO. Au comble de l’ironie, chaque année le patrimoine naturel de la vie sauvage est mise en danger avec l’utilisation d’animaux ou de parties d’animaux pour les costumes de diverses danses. Le cas le plus important est l’utilisation excessive du « quirquincho » (Chateophractus nationi) comme instrument, la « matraca » pour la danse Morenada.
 
Pour vous imaginer l’ampleur du massacre, sachez que dans une fraternité comme la célèbre « Cocanis » il y a plus de 1000 danseurs et danseuses ! En 2001, un rapport du Ministère du Développement Durable soutenait que seulement 5'000 « quirquinchos » survivaient encore en Bolivie.  A ce rythme-là l’animal symbole d’Oruro n’a plus beaucoup d’années à venir. De plus, au niveau international il faut savoir que cet animal est classé comme animal vulnérable et donc en danger d’extinction par le CITES (The Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora).
 

Morenada

Il est certain que le Carnaval d’Oruro est d’une beauté et magnitude impressionnante: 15'000 danseurs et danseuses ont défilé cette année durant 2 jours en exhibant plus d’une vingtaine de différents types de danses. Tous ne portent pas sur eux des peaux ou plumes de vrais animaux mais cette année par exemple on a recensé 800 danseurs/danseuses de Morenadas qui portaient des « quirquinchos ».   Parmi toutes les danses, il y en a 5 qui sont spécialement fatidiques pour les animaux : la « Morenada » à cause des « quirquichos », la « Diablada » pour s’ornementer avec des condors entiers, les « Suri Sicuri » qui utilisent des plumes et des têtes d’autruches pour leurs couronnes, les “Tobas” qui se décorent avec des plumes de flamands roses et les “Tinkus” pour utiliser ces mêmes plumes pour décorer leurs chapeaux.

Suri Sicuris

Chaque année le même drame se répète et voilà 17 ans que l’on viole la Loi de  l’Environnement. La chaîne criminelle commence par les danseurs/danseuses qui dessinent leurs costumes et se chargent de les faire confectionner aux brodeurs  jusqu’aux chasseurs et gardes parques de sites protégés et dirigeants des associations de groupes folkloriques et autorités locales pour n’avoir pas appliqué la loi et avoir donné des prix aux fraternités qui « assassinent » les animaux. Le processus de sensibilisation et de sanction est long surtout quand les membres mêmes de l’Association des groupes folkloriques d’Oruro se refusent de négocier un accord avec le Vice Ministère de l’Environnement afin de ne pas utiliser des animaux sauvages. Mais il y a quelques lueurs d’espoir comme la visualisation de la thématique aux niveaux des médias (spots publicitaires, affiches, flyers…) et le fait que le 4 mars dernier les autorités du Vice Ministère de l’Environnement, Biodiversité et Changements Climatiques aient présenté une plainte à l’encontre de la ville d’Oruro pour utilisation illicite d’animaux sauvages dans certaines fraternités du Carnaval. Espérons donc que cette fois-ci justice sera faite pour les animaux sauvages et que l’on pourra dignement parler du Carnaval d’Oruro comme patrimoine intangible de l’humanité. 

Jeremy et Sandrine, un couple de volontaires E-changer dansant le Tinku  

mercredi 18 février 2009

61% de la population bolivienne a dit OUI!

LA NOUVELLE CONSTITUTION POLITIQUE DE L'ETAT

Le 25 janvier marquera désormais un jour historique en Bolivie. 60 boliviens/boliviennes sur 100 ont voté en sa faveur (61,43% de votes en sa faveur et 38,57% contre). C’est en effet massivement que le peuple est allé voter, 90% de taux de participation ! On est loin des taux d’absentéisme de notre chère démocratie suisse. C’est donc un vote on ne peut plus représentatif je dirais. Une large majorité du peuple ratifie le processus de changement entamé par ce gouvernement et croie en la nécessité d’une transformation du pays. L’opposition dès les premiers résultats a parlé d’un pays divisé, terres occidentales versus terres orientales, mais si l’on regarde les statistiques on ne peut pas parler dans ce sens-là : 77% des municipalités du pays ont voté oui, et aussi dans les régions de « l’opposition » comme Santa Cruz, où 17 des 56 municipalités ont voté en faveur, à Tarija ce sont 5 des 11 municipalités, au Beni 4 des 17 municipalités et à Pando, 3 des 15 municipalités. Le processus de construction du nouvel Etat plurinational décentralisé avec des autonomies (Art. 1) est donc en marche et la plus lourde tâche du gouvernement actuel est celle de l’implémentation au niveau légal des nouvelles structures de l’Etat afin de concrétiser le changement, « el cambio » protagonisé par le président Evo Morales. Ceci n’est pas une mince affaire car l’opposition refuse d’être vaincue et essaie de bloquer toute tentative de concertation comme par exemple ces jours-ci le Préfet de Santa Cruz refuse de participer à une réunion sur le thème des autonomies convoquée par le vice-président alors que lui-même il y a quelques mois seulement ne parlait que d’autonomie dans tous ses discours. Aujourd’hui même (mercredi 18 février) le Conseil Nacional des Autonomies a pris ses fonctions sans la présence de tous les préfets de la « media luna », des départements de Beni, Pando, Chuquisaca, Santa Cruz et Tarija. Par exemple, dans le département de Chuquisaca le OUI pour la NCPE a gagné avec 51% et l’actuelle préfecte, Sabine Cuellar, refuse de respecter cette décision et ne participe pas à la conformation du Conseil Nacional des Autonomies. Comment donc parler de respect du vote du peuple et de démocratie si la décision de la majorité du peuple n’est pas respectée et la NCPE se voit même violée par ses propres autorités ?

LE THÈME DE LA TERRE DANS LA NCPE

Dans le cadre du Réferendum pour la NCPE (Nouvelle Constitution Politique de l’Etat) les bolivien(n)es ont été aussi appelés à voter sur la question de la quantité maximum de terre qui peut être possédée : il y avait l’option de 5 mil ha ou 10 mil ha, et c’est l’option de 5 mil ha qui a remporté avec 80,6% d’approbation. Ici, une grande majorité de la population, y compris dans les régions des terres orientales, a montré qu’elle n’est pas d’accord avec les grandes propriétés terriennes, les « latifundios ». Ces résultats donnent donc feu vert à la politique agraire actuelle de redistribution des terres. Dimanche passé justement le Vice-ministre des terres Almaraz a confirmé que 40’000 ha de terres ont été quittées (« revertidas ») à 5 familles dans l’Alto Parapeti, dans la province Cordillera de Santa Cruz. Selon la législation agraire et la NCPE ces terres ne respectaient pas la Fonction Economique Sociale (FES). C’est à plus de 65 petits et moyens producteurs indigènes que ces terres seront remises selon Almaraz. Dans cette région-là, en plus, on a dénoncé l’esclavage des indigènes guaranis. Selon Almaraz « Alto Parapeti est devenu un endroit fort sensible durant ce processus agraire bolivien parce que ça été un point géographique où la résistance du secteur agro-pécuaire a été violente et séditieuse et a empêché le processus d’assainissement des terres en prétendant imposer au pays une version d’autonomie ». C’est donc d’autant plus un cri de victoire pour le gouvernement et pour la population indigène guarani de la région qui vont enfin se voir redistribuer ces terres qui les ont en fait toujours appartenues en tant que peuples indigènes vivant sur leurs terres ancestrales. Il s’agit en fait du droit à la terre et territoire reconnu internationalement aux peuples indigènes à travers la Déclaration des droits des peuples indigènes des Nations Unies approuvée en 2007 qui a en plus été ratifiée comme loi en Bolivie. Ce droit est aussi reconnu dans le texte de la NCPE qui reconnait l’autorité ancestrale sur leurs territoires qui leur garanti le droit à la libre détermination qui consiste au droit à l’autonomie en tant que peuples indigènes (Art. 2). La redistribution de ces terres appartenant ancestralement aux peuples indigènes guaranis est donc une belle victoire quant à l’application des droits des peuples indigènes en Bolivie, et un pas en avant quant à l’implementation de la NCPE.